D’où provient l’électricité dont nous avons besoin?
L’électricité que nous consommons en Suisse est majoritairement produite dans des centrales électriques locales. Nous importons le reste de l’étranger, surtout pendant les mois d’hiver. Durant cette période, jusqu’à 40% des besoins de la Suisse sont couverts par de l’énergie provenant de l’étranger, principalement d’Allemagne et de France. En été, c’est l’inverse, l’électricité est souvent exportée.
Pour que l’électricité parvienne aux consommatrices et consommateurs, il faut un réseau. Avec son réseau de transport, Swissgrid fournit en quelque sorte une autoroute. Ce réseau permet de transporter de grandes quantités d’électricité sur de longues distances. Mais Swissgrid ne produit pas elle-même d’électricité. Sans l’interconnexion, rien ne fonctionne dans le réseau.
Qu’est-ce que cela implique pour Swissgrid?
L’interconnexion est un facteur de réussite pour Swissgrid, et pour la Suisse, elle garantit la sécurité de l’approvisionnement. En Suisse, nous travaillons en étroite collaboration avec les gestionnaires de centrales et de réseau de distribution locaux. En dehors, l’intégration dans le réseau interconnecté d’Europe continentale est indispensable. Nos relations étroites présentent des avantages significatifs. Sans cette interconnexion, l’importation, l’exportation et le transit d’électricité ne fonctionneraient pas. L’intégration au réseau européen contribue en outre largement à la stabilité du réseau électrique suisse. Pour simplifier, plus le réseau interconnecté est grand, plus le système global est stable. Les défaillances de centrales ou les fluctuations peuvent être plus facilement gérées au sein d’une grande communauté.
A-t-on besoin d’un réseau interconnecté européen fonctionnel pour réussir la transition énergétique?
Oui, cela vaut pour toute l’Europe, y compris la Suisse. Nous dépendons de la participation au système global et de son développement. Au niveau européen, il faut notamment faciliter les échanges d’électricité. Si, par exemple, l’énergie éolienne en provenance d’Allemagne est insuffisante, il faut pouvoir gérer efficacement l’achat d’énergie solaire excédentaire en provenance du Portugal. L’harmonisation au sein de l’UE a donc aussi pour objectif de permettre des flux d’électricité rapides et simples en Europe.
L’interconnexion est un facteur de réussite pour Swissgrid, et pour la Suisse, elle garantit la sécurité de l’approvisionnement.
Andrea Mäder
Que pensez-vous à l’heure actuelle de la coopération en Europe?
Pour Swissgrid, la collaboration avec les partenaires européens est indispensable pour garantir la sécurité du réseau. Pour la stabilité du réseau interconnecté, il est essentiel que tout le monde respecte les mêmes règles. Un haut degré de coordination est nécessaire au niveau technique; la collaboration avec les gestionnaires de réseau de transport européens est depuis des années très constructive et orientée vers la recherche de solutions. Les autres exploitants sont conscients de l’importance de la Suisse pour le réseau interconnecté de l’Europe continentale. Mais ces derniers temps, cette collaboration est entravée par des questions politiques. La situation politique actuelle entre la Suisse et l’UE complique cette collaboration bien rodée, qui est importante pour nous au niveau technique.
Que signifie moins de coopération pour la Suisse?
Nous sommes de plus en plus isolés en tant que pays. L’exclusion progressive de la Suisse du marché intérieur européen de l’électricité a aussi des inconvénients pour les producteurs d’électricité locaux. Nos centrales hydroélectriques sont très flexibles, par exemple lorsqu’il s’agit de compenser les fluctuations par de l’énergie de réglage. Mais cet avantage concurrentiel technologique ne peut être exploité en raison de l’exclusion, et les recettes des producteurs diminuent.
Et pour Swissgrid?
Si Swissgrid est exclue des processus européens, le stress systémique augmente dans le réseau de transport. Sans accord sur l’électricité, la Suisse est exclue du commerce européen de l’électricité à court terme. Les capacités de transport pour le commerce de l’électricité sont déterminées et attribuées dans ce que l’on appelle des zones de calcul de capacité. Dans ce contexte et en l’absence d’un accord, les éléments de réseau suisses ne sont pas assez pris en compte. Cela augmente le risque de flux d’électricité imprévus. Ces derniers menacent de plus en plus la stabilité du réseau dans notre pays. Swissgrid doit alors intervenir et injecter de l’électricité pour stabiliser le réseau. Et par conséquent, les consommatrices et consommateurs finaux n’en ont pas assez. De plus, ces mesures sont coûteuses et compliquées à réaliser.
Que faut-il pour améliorer la situation?
Actuellement, la Suisse dispose d’un des réseaux les plus stables du monde et d’une sécurité d’approvisionnement adéquate. Cependant, se contenter de maintenir le statu quo ne suffit pas pour l’avenir. Pour garantir durablement la sécurité d’approvisionnement, il faut plusieurs composantes: un réseau stable, suffisamment d’énergie produite en Suisse et une coopération avec les partenaires européens. Sans cette dernière, rien n’est possible; faire cavalier seul est difficilement réalisable sur le plan technique et peu judicieux sur le plan économique.
Se contenter de maintenir le statu quo ne suffit pas pour l’avenir.
Andrea Mäder
Quelles sont les possibilités d’action de Swissgrid?
Swissgrid s’engage au niveau européen pour maintenir la sécurité du système d’un point de vue technique. Cela signifie que nous concluons des contrats avec des gestionnaires de réseau de transport européens. Ces contrats ne résolvent toutefois pas tous les problèmes résultant de l’absence d’accord sur l’électricité. Nos partenaires contractuels sont soumis à des réglementations nationales et européennes. Pour travailler avec nous, ils ont souvent besoin d’autorisations des autorités de régulation concernées. À l’avenir, nous serons tributaires d’une solution intergouvernementale. Seule une telle solution peut créer un cadre stable pour la coopération avec l’UE et donc pour une sécurité d’approvisionnement élevée en Suisse. Un accord sur l’électricité avec l’UE reste pour nous l’objectif ultime. Comme solution transitoire, nous pourrions imaginer un accord intergouvernemental purement technique.
Que devrait contenir un tel accord?
Un tel accord laisserait de côté la question de l’accès au marché européen de l’électricité. En revanche, il garantirait que nous soyons, par exemple, impliqués dans tous les instruments et processus techniques visant à assurer la sécurité du réseau. La base légale correspondante existe déjà. Le Conseil fédéral a la compétence de conclure un accord international en la matière.